Vu de France où le président Macron a décidé d’une rentrée scolaire le 11 mai
Dans les écoles, collèges et lycées, incompréhension, inquiétudes et colère montent de toutes parts. Dans une lettre au ministre, des enseignants du lycée Pontus-de-Tyard, à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), soutenus par leurs sections syndicales SNFOLC et SNES, écrivent : «Cette annonce suscite de nombreux questionnements, voire de la consternation et de la colère, car, nous, personnels de l’Éducation nationale, qui souhaitons reprendre nos activités pédagogiques réelles avec nos élèves, mesurons à quel point cette décision peut représenter un réel danger pour nos élèves, leurs familles et pour nous-mêmes. Comment ne pas s’inquiéter en effet quand dans notre lycée beaucoup de salles exiguës, de cages d’escalier ne permettent aucune mesure barrière, quand nous devrons partager des ordinateurs, des photocopieuses (…). Monsieur le Ministre, vous parlez de mesures pour sauver les élèves qui pourraient partir à la dérive du fait de leur confinement mais, quelques jours auparavant, vous annonciez que les examens ne pouvaient se tenir (…). Face à ces affirmations, pour le moins contradictoires, difficile de ne pas voir, comme l’a souligné le coprésident de la FCPE le 14 avril, que “cette reprise ne sera pas faite pour les élèves les plus fragiles mais pour les parents qui vont aller travailler”. »
La prétendue attention de Macron et de Blanquer sur les inégalités sociales suscite partout des réactions. Dans leur lettre au ministre, les enseignants du lycée Pontus-de-Tyard leur répondent : « Vous avez parlé “d’urgence sociale”. Pour nous, ce propos n’a de sens que si vous débloquez tous les moyens nécessaires (…). Nous demandons que les suppressions de postes et d’heures prévues dans la DHG (dotation horaire globale) de notre établissement soient annulées et que des moyens supplémentaires à la hauteur des besoins soient attribués pour que les effectifs par classe soient allégés, pour que des groupes de rattrapage puissent être mis en place.»
« Il est impossible en maternelle, et même en petits groupes, de faire respecter les gestes barrières. (…) Dans ces conditions, il ne nous paraît pas raisonnable de procéder à la réouverture des écoles et à un retour à la collectivité aussi tôt», conclut la motion de l’école maternelle de la Tombe-Issoire (Paris), faisant écho à la conclusion de la lettre à Blanquer rédigée par les enseignants du lycée Castel à Dijon (Côte-d’Or) : « À quel prix en vies humaines ? Pour toutes ces raisons, nous ne pourrons pas reprendre le chemin du lycée le lundi 11 mai 2020. » (Informations rapportées par La Tribune des Travailleurs)
Le point de vue d’un professeur d’école technique de Liège
« Je crois d’emblée que le gouvernement est perdu; il redoute à chaque instant d’en faire trop ou pas assez: ouvrir les écoles pour rassurer les parents mais pas tous en même temps pour contenter le monde scientifiques et paradoxalement rassurer les parents… Permettre aux parents de retravailler afin d’afficher une volonté de faire tout pour relancer l’économie, épargner la vie intrafamiliale et en même temps pas vraiment puisqu’il est possible que si un enfant est en rhéto, ses frères et/ou sœurs sont dans des classes inférieures…
En ce qui concerne les troubles des enfants liés au confinement: sont-ils troubler par l’angoisse transmise par les parents, ou par le manque réel de repères que sont l’établissement scolaire et les relations entre amis? Sans doute un peu des deux.
La situation est réellement difficile, parce qu’une fois encore il faut faire plaisir à tout le monde, ne froisser personne, rassurer si possible. Même ceux qui tentent de profiter de la situation pour se faire une petite campagne perso font un flop. Ils sont tous en troupeau les fesses bien serrées sur une pente bien glissante, parce qu’ils savent qu’ils ont tous quelque chose à se reprocher. Une pincée d’ignorance et un soupçon de peur… Quel cocktail! Politicien en cette saison, quel métier difficile! Les organisations syndicales (les autres partis) sont elles aussi coincées. D’un côté défendre les travailleurs donc le travail, et de l’autre défendre les travailleurs donc leur santé… Pas très vendeur tout ça! Je ne suis personne pour soutenir telle ou telle méthode à fin de se protéger contre le covid 19, mais je crois savoir que ni les syndicats ni les partis politiques n’ont à la ramener sur le manque d’effectifs et de matériel disponible dans le « marché » de la santé. Et puis sérieusement, enseigner à des demi-classes en respectant les distances préconisées avec des déguisements de Dark Vador, ne serait-ce pas du foutage de gueules ? Va-t-on réellement faire progresser nos élèves? Et si oui, vers quoi, vers où? Est-ce la seule chose que nous avons à leur offrir ? »
Extrait du Bulletin Unité-Eenheid n°50 (avril 2020)